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BEBERT VINCENT
Né en 1980 à l’Haÿ-les-Roses Vit et travaille en son atelier à Malakoff et dans sa maison de Sainpuits, Bourgogne.
" On croit qu’on peint avec son regard, ou avec son cerveau, ou avec ses mains, ou ses sens, mais on peut peindre aussi avec ..... son corps !!!
C’est ce que je ressens avec mes héros, Soutine et Eugène Leroy, et maintenant me voilà confronté à la pâte de peinture de Vincent Bébert , qui est une sorte de fils spirituel de ces deux peintres, complètement hors-mode, se foutant de l’air du temps: il a besoin de la matière peinture, l’ étaler presque brutalement ..... Il est un peintre VISCERAL, et ça, j’ aime ! ! ! "
Bernard plossu à la ciotat 2025
Le 2 août 1655, l’abbé Louis Fouquet envoie de Rome une lettre à son frère Nicolas, Surintendant des Finances, dans laquelle il écrit: « Monsieur Poussin m’assura qu’il n’y avait plus personne dans la peinture qui y fût tolérable, et qu’il ne voyait pas même venir personne, et que cet art allait tomber tout à coup. » La mort de la peinture n’est donc pas une nouveauté. Elle renaît toujours de ses cendres supposées. Elle échappe aux pièges qu’on lui tend, en particulier, à partir du milieu du 19 ème siècle et durant plus de cent cinquante ans, à l’apparition de nouvelles formes artistiques: photographie, art conceptuel, art minimal, land art, vidéo, installation, art numérique, etc. Elle agonisait encore au début de ce siècle. Elle renaît aujourd’hui, dit-on. Ceux qui jadis l’enterraient à présent l’encensent - l’excès demeure. Mais qu’encense-t-on?
La plupart des jeunes peintres perpétuent le Pop Art; ils mettent le réel à distance; ils utilisent une reproduction de ce réel, une photographie tirée d’une vidéo, d’un film, glanée sur la toile ou prise par eux-mêmes. La photographie a remplacé le dessin. En 1857, dans le revue L’Artiste, Théophile Gautier la voyait ainsi, « la très humble servante, l’esclave douée de l’art », écrivait-il, car « elle lui prend des notes, elle lui fait des études d’après nature; pour lui, elle se charge de toutes les besognes ennuyeuses et pénibles ». Sans doute l’écrivain n’imaginait-il pas que le dessin lui-même allait devenir une besogne ennuyeuse et pénible. Un esprit chagrin, celui de Baudelaire par exemple, verrait dans ce procédé contemporain une généralisation de la « triviale image » et le triomphe d’un art matérialiste et bourgeois.
Ou d’un art pragmatique et fainéant, car Théophile Gautier avait raison: l’utilisation de la photographie facilite le travail. Elle élimine même l’une des difficultés majeures de la peinture en passant de trois dimensions (le réel) à deux dimensions (l’image). Elle aplatit le volume. Il suffit alors de la décalquer ou de la reporter sur la toile, tout en sachant (et on le sait avec certitude depuis les propos éclairants de Rodin) que cela fige le trait, tue le dessin, transforme le tableau en un exercice de coloriage. Il faut tricher pour obtenir le mouvement, disait Rodin - « beaucoup de petits mensonges pour une grande vérité », écrivait de son côté Bonnard.
Mais la photographie ne supprime pas seulement les « besognes ennuyeuses », elle facilite surtout le rapport que le peintre entretient avec son modèle en éliminant la tension existant entre eux. Elle fait écran. Il ne s’agit donc pas seulement d’efficacité et de paresse, mais aussi d’un manque certain de courage, car ce n’est pas une affaire banale que de vouloir représenter un visage ou un paysage. Eugène Leroy disait du paysage qu’il est « matraquant »; Bonnard racontait à peu près la même chose et Cézanne résumait ainsi cette tension: « La vie, c’est terrifiant ». Il faut savoir regarder, choisir et harmoniser deux réalités, celle que le peintre voit et celle qu’il a dans son esprit - ce ne sont pas forcément les mêmes. Le peintre copie donc pas la nature, comme le pensaient Platon et tant d’autres après lui, il triche. Il recompose. Et il tente, une gageure!, de capturer la lumière changeante, de la rendre à la fois fidèle à l’instant et éternelle. Voilà donc l’ambition de Vincent Bebert à laquelle il ajoute un morceau d’héroïsme : il peint dehors, dans l’herbe, sous le soleil comme sous la pluie, et s’il arrive qu’une vache s’en mêle, alors Vincent Bebert peint la vache.
Il y avait jusqu’alors deux façons de peindre sur le motif: soit le peintre installe son chevalet dans la paysage, comme le firent les Impressionnistes, soit il dessine ce paysage et le peint de retour dans l’atelier, procédé traditionnel adopté par Bonnard qui attachait beaucoup d’importance à la mémoire. Vincent Bebert en ajoute une troisième où la toile libre posée dans l’herbe se retrouve soumise, comme le peintre, aux aléas climatiques - ainsi le vent insère dans la matière fraîche de la poussière ou quelque brindille végétale bienvenues. C’est une variante de la première façon de peindre sur le motif, plus brutale, plus archaïque aussi, une sorte de pratique primitive que Vincent Bebert s’est inventé - au sol plutôt que sur une paroi rocheuse.
Cette brutalité se retrouve dans le tableau lui-même, granuleux, chahuté, au point que le sujet parfois frôle la disparition, comme dans certaine nature morte où se devine au sein du brouhaha flamboyant une assiette de figues; ou dans les récents paysages de la banlieue parisienne où demeure, au sein d’un amas difforme de ce qu’on devine être des immeubles, dans le prolongement d’une rue, une lumière vespérale raffinée. Il y a donc un jeu entre la brutalité de la matière et la délicatesse de la lumière - là se situe le pari de Vincent, son ambition, son but. Il n’est pas sans dangers: ça passe ou ça casse. Le tumulte parfois étouffe la lumière; dans d’autres tableaux il la révèle. J’ai vu un jour de Vincent Bebert un pin qui ressemblait au pin noir de Cézanne - une merveille; un autre jour sur une table un pot de fleurs, une grappe de raisin peut-être, une pomme peut-être et un poisson (une daurade?) dans une assiette - une évidence. Le renouveau de la peinture, se dit-on (si renouveau il doit y avoir), sa renaissance, loin des images triviales qu'exige le confort bourgeois, réclame de telles prises de risques. La poésie est à ce prix, loin des mirages technologiques, des féeries clinquantes et spectaculaires - loin du kitsch contemporain. Souhaitons donc à Vincent Bebert un courage à toutes épreuves (et elles sont nombreuses, en particulier celle du marché de l’art toujours en retard d’une guerre), un avenir plus apaisé, des oeuvres toujours plus proches de la vie. Car l’enjeu, à présent, n’est pas de faire des tableaux, comme le pensent trop de peintres aujourd’hui, c’est de tenter, comme Vincent Bebert, de faire de la peinture.
Olivier Cena
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