La modernité de l'oeuvre et la continuité de la recherche du peintre.

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KLAPISCH LILIANE

Brève biographie ou brèves notes biographique

Née le 25 Décembre 1933 à Cachan, au domicile de ses parents, rue Galliéni, dans un ancien relais de chasse du XVIIème siècle: les plafonds étaient faits de caissons en bois sombre avec des éléments dessinés couleur terre de sienne brulée et or. Plus tard, réfugiée avec sa famille pendant les années 41-45 près de Montbrizon. Vus à Champdieu, dans une chapelle, des fresques romanes. C'est la première perception consciemment picturale . A commencé à peindre à 16 ans. Ensuite rencontre avec le peintre Léon Zack qui lui a tout appris. Puis travail à l'académie Ranson.

LE CRÂNE DE CÉSAR

Serait-il tout à fait normal qu’un peintre s’intéresse au crâne chauve de César et jamais à César en majesté, drapé dans sa toge, une couronne de laurier sur la tête ? Imagine-t-on l’Olympia de Manet réduite à un ruban noir autour d’un cou, à un bouquet de fleurs, à un petit chat dressé sur ses pattes ?

Précisément, Liliane Klapisch peint les clés d’une armoire, mais pas l’armoire. Quand elle représente un artichaut, elle le dispose dans un plat, lui-même posé sur une chaise. Lors d’une précédente exposition, elle montrait un grand triangle de ciel vide délimité par un réverbère, un poteau téléphonique et le drapeau amorphe, faute de vent, du Consulat de France à Jérusalem. Faut-il parler d’humour ? Quel que soit le désordre qui règne dans une cuisine, on ne pose pas un artichaut sur une chaise. Encore moins un bouquet de fleurs. Le drapeau du Consulat de France ne délivre aucun message d’ordre géopolitique. Des clés d’armoire n’ont rien à nous dire.

Liliane Klapisch revendique haut et fort cet intérêt, presque exclusif, pour ce qui n’a pas d’intérêt. Lorsqu’elle se rend au Louvre, explique-t-elle, son attention ne s’exerce pas dans le sens où nous l’entendons. Elle ne ressort pas avec des idées générales sur la peinture, ni sur ce que représentent les tableaux. En quittant le Louvre, affirme-t-elle, elle trouve de l’intérêt à la première bouteille en plastique qui lui tombe sous les yeux, comme s’il y avait là quelque chose qui n’avait jamais été assez bien regardé, et donc un petit surcroît de présence possible, et inespéré.

Pas de peintre qui ne cherche à traduire, et à susciter, ce petit surcroît de présence. Mais, sous les pinceaux de Liliane Klapisch, les objets semblent dire surtout leur inanité. Sans doute exhibent-ils autant le vide dans lequel ils baignent que l’acuité du regard qui les fixe sur la toile. On peut même affirmer que le vrai sujet des tableaux de Liliane Klapisch est toujours le vide. C’est sans doute pourquoi son regard, en dépit de toute la tendresse avec laquelle elle regarde autour d’elle, paraît toujours un peu dégrisé, et ce qu’elle montre sauvé in extremis d’un naufrage.

Qui sait si Liliane Klapisch ne s’attache pas à un artichaut, ou à une clé d’armoire, pour ne pas se perdre elle-même dans le vide qu’elle peint. Il arrive d’ailleurs qu’elle ne prenne pas la peine de terminer son travail. Il lui suffit de poser le problème : sa résolution ne l’intéresse pas. Un artichaut, une pomme tenue à bout bras, une clé d’armoire, peuvent-ils faire office de bouée ? Le vide, et le grand silence qui émanent des tableaux sont-ils le reflet d’un désastre, jamais annoncé, mais toujours présent ? Ces objets rescapés témoignent-ils à leur insu de notre époque ?

Dans un texte sur Liliane Klapisch, Stéphane Mosès évoquait Walter Benjamin. À la fin de sa vie, ce dernier s’interrogeait sur la disparition de l’aura à l’ère de la reproduction industrielle. Stéphane Mosès y voyait le «symptôme d’une crise profonde de la modernité ». L’aura, pour Benjamin c’est, notait-il, ce qui rattache une personne, ou un objet, à un passé, ou à un futur, et donc à un lointain. Ce lointain invisible lui confère « un autre ordre de réalité », et toujours plus riche que ce que nous voyons. Stéphane Mosès évoquait Charlie Chaplin qui, à la fin de ses premiers films, s’éloigne, seul sur une route déserte, son petit baluchon au bout de sa canne, en quête de recommencement. Or la vie moderne, concluait Stéphane Mosès, nous condamne à nous « agiter dans un sur-place sans fin ». Quant aux artichauts il y a longtemps qu’ils sont passés de l’état de légumes à celui d’« articles ». Quand on achète un artichaut, on ne s’étonnerait plus de découvrir un code-barres sur les premières feuilles. Liliane Klapish peint-elle autant les objets que leur absence d’aura ? Ou tente-t-elle de réparer ce qui peut l’être ?

L’asperge peinte par Édouard Manet, et qui se trouve au Musée d’Orsay, dispense une très étrange lueur. Manet, en 1880, demandait huit cents francs pour un tableau représentant une botte d’asperges. Un banquier fut si subjugué par le tableau qu’il ne se contenta pas de l’acheter sur le champ : il offrit mille francs au peintre au lieu des huit cents demandés. Comment un peintre ne serait-il pas flatté ? Sans doute Manet découvrait-il d’un seul coup l’étrange aura dans laquelle baignait la botte de liliacées aux yeux du banquier. Cette aura tenait autant à la qualité du tableau qu’à ce qu’un regard admiratif pouvait lui ajouter. Manet, en tout cas, se sentit tenu de peindre une asperge supplémentaire qu’il offrit au généreux banquier en précisant : « Il manquait une asperge à votre botte. »

C’est en pensant au petit pan de mur jaune de la Vue de Delft par Vermeer que Marcel Proust, pour sa part, s’interrogeait sur l’irrépressible besoin de voir toujours plus, plus loin et mieux. Bien que Proust n’ait jamais utilisé le mot aura, il lui semblait que nous venons au monde avec « le faix d’obligations contractées dans une vie antérieure. » C’est comme si, écrit-il, nous vivions « sous l’empire de lois inconnues (…) dont tout travail profond de l’intelligence nous rapproche et qui sont invisibles seulement - et encore – pour les sots ». Ces lois inconnues ont-elles pour fonction de réparer ce qui peut l’être ?

Car rien, dans nos conditions de vie sur cette terre, note Proust, ne nous oblige à réécrire vingt fois de suite tel passage défectueux d’un livre. Ni à peindre, comme Vermeer, et avec un soin infini, petite touche de couleur après petite touche de couleur, un pan de mur de briques roses, qui paraît d’un jaune vif sous l’effet d’un soleil horizontal le frappant de plein fouet, un soir d’orage. Quoi de plus banal ? Cependant, c’est pour voir ce petit pan de mur jaune qui lui avait échappé jusque là dans la célèbre Vue de Delft que Bergotte malade, et qui ne sort plus de chez lui, se décide à quitter sa chambre. Il veut absolument voir, de toute urgence, ce petit pan de mur jaune.

Voilà, parmi bien d’autres choses, ce qui semble s’agiter confusément en nous lorsque nous nous laissons aller à rêvasser devant les travaux de Liliane Klapisch.

Marcel Cohen

  1. LKlapisch-2025-Huile-et-brou-de-noix-boite-carton-295x295cm.jpg

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