La modernité de l'oeuvre et la continuité de la recherche du peintre.

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LIMERAT FRANCIS

Francis Limérat est né en 1946 à Alger. Il vit et travaille à Paris et dans l'Entre-deux-Mers prés de Bordeaux.

L'ensemble de sa production lui permet de développer une notion générique de dessin qu'il exprime en deux ou trois dimensions à travers la réalisation d'encres sur papiers ou de structures murales en segments de bois peints.

Un va et vient permanent entre captation sensible de la réalité et approche autonome du processus formel fournit à son œuvre toute sa singularité.

Après plus de 70 expositions personnelles en France et à l'étranger, sa participation à de multiples expositions collectives, sa présence dans de nombreuses foires internationales d'art ( Bâle, Paris, Madrid, Los Angeles, Bologne, Stockholm, Francfort, Bruxelles, Séoul, Delhi..,) il présente aujourd’hui à la galerie Convergences un ensemble de dessins qui jalonne une cinquantaine d’années.

Ses œuvres figurent dans de nombreuses collections privées ou publiques ( Musée d'art moderne de Paris, Musée d'art contemporain de Montréal, Fonds National d'Art Contemporain, Fonds régionaux d’art contemporain, Bibliothèque Nationale de France, Musée d'art moderne de Céret, Musées des beaux-arts d'Angers, de Bordeaux, de Calais, de Lille, Crédit Mutuel d'Anjou, CAP de Royan, Caisse des dépôts et consignations, BNP de Mexico, Anglocom,Quebec...).

🔗 https://francislimerat.com

Des échelles

La première chose est le poids, c’est frappant, il n’y en a pas. Voir les structures de Francis Limérat à peu de distance suggère l’idée de la pesée, de la charge au mur, savoir si l’affaire se joue en kilogrammes ou moins, car, à un mètre, le matériau ne se révèle pas à l’œil. Et pour qui soulève à deux mains un ensemble parfois large d’un mètre, il emploie une force prévisionnelle qu’on ne lui demandait pas ; il a entre ses paumes des centigrammes pour seulement un mètre carré. L’expérience m’a troublé comme celle qu’on éprouve en mettant ses pas sur un tapis roulant, quand notre assiette passe soudain du lourd au léger, ou, à l’inverse, quand les jambes une fois passée l’inertie au sortir d’une porte tambour sont rendues à leur liberté ; on ne mesurait pas, le dynamisme, l’autorité requise, l’imagination pondérable. À manipuler ces structures (quel nom prendre, « modules », « structures », « compositions », aucun ne chausse bien sinon peut-être celui de « claires-voies », tout sauf de la sculpture, précisément parce qu’elles voudraient s’en séparer), à les décrocher du mur, les muscles rendent compréhension à la vue, ils révèlent ce que l’œil n’avait pas débrouillé du rapport entre le vide, le plein et la surface. En somme, cette ¬déroute manuelle, ce surprenant effet de levé aide à mieux voir. Et le manutentionnaire n’en a pas fini car, qui déplace ces compositions sera saisi de mieux : un son de rien. En les rangeant, en les alignant sur les racks, entre elles, elles cliquettent. Ça rend un petit bruit comme celui des charbons dans l’âtre, en fin de feu, au refroidissement, ou encore, ça ressemble au son qu’émet une poignée d’allumettes lâchées sur une table (d’ailleurs c’en sont, les claires-voies de Francis ¬Limérat consistent en autant d’allumettes aboutées), un son infime, quelque chose de l’addition de menus éléments capables d’aucun tumulte mais qui, réunis, tintent.

Ceci pour le son, aussi fin que cette ténuité de la pesée. Après l’ouïe, le toucher, vient la réquisition infinitésimale d’un autre sens mis à l’épreuve de la minceur : les claies de Limérat sont tenues à distance du mur, à très peu, cinq centimètres les en séparent, de quoi projeter l’ombre des lignes, tout leur réseau reflété dans un effet de suspension et d’effacement, frêle, avec, pour emprunter au titre d’un recueil d’Eugénio de Andrade, le sentiment d’estimer « le poids de l’ombre ». Non pas l’ombre telle que les peintres se sont efforcés de la rendre au cours des siècles mais celle qui s’est imposée depuis que le principe de la photographie fût inventé : l’ombre cognitive, l’ombre des calotypes de Fox Talbot, l’ombre des premières ¬radiographies de Röntgen, l’ombre inversée du négatif qui contient le double ¬intrinsèque de toute image, l’ombre des insolations, jusqu’à l’ombre des radiations dont nous parle Jean-Christophe Bailly, comme on les voit, par exemple, sur deux clichés de 1945, Nagazaki. Illustration Sur l’une, l’échelle effective est adossée sur un pan de baraquement avec, derrière, son ombre projetée ; sur l’autre, même lieu, après ¬l’irradiation, alors que l’échelle fut retirée, l’ombre décalquée, c’est-à-dire, la trace devenue l’objet, supplanté. Implacables, ces deux photographies témoignent à leur façon de notre « modernité de l’ombre », de sa nouvelle intrusion dans notre rapport à l’image. La réalité à l’épreuve de l’ombre, celle dont un Japonais, ¬Tanizaki voulut dire le pouvoir esthétique dans le fulgurant opuscule qu’est Éloge de l’ombre (1933). Échelle de poids, de bruit, échelle de silhouette.

Puis vient le dessin. Le dessin et son ombre. Une pratique de Francis Limérat tient à marcher (ce peut être la Grèce ou l’Asie, n’importe), en régions nues. À un moment, dit-il, lorsque le champ de vision lui permet, il tire une feuille sur laquelle il trace les premiers caractères du terrain, ses lignes immédiates et des acres, l’idée d’une distance, quelques élévations ordinaires, une cuvette en dépression, des prélèvements sans amplitude, loin des panoramas avec ici, volontiers, des détails, plusieurs fois en des endroits. Bien. Les dessins immédiats sont rangés dans sa poche et la marche reprend. Ce n’est qu’ensuite. Limérat au retour prend du papier, dresse à mémoire la vision où les lieux furent incrits – lesquels sont ¬encore empochés, sans les revoir. Il les dessine une seconde fois, chaque lieu dans leur inexacte précision, sans abois de fidélité puis, une fois fait, il revient aux dessins composés in situ. Il en résulte deux dessins superposés, coïncidants comme sont les ombres de ses modules marquées à quelques centimètres du mur, à un rien près.

Il est chez Limérat une autre façon de dessin a posteriori. Comme il cesse sa marche pour dresser le terrain, Limérat tire de l’atelier l’une ou l’autre de ses claires-voies qu’il reproduit sur une feuille préalablement passée au lavis. Il en ¬retrace les lignes principales et secondaires à l’ocre, au brun, puis lave la feuille, la frotte, il la ponce en des attaques aléatoires. Il l’oublie. La feuille sèche, Limérat reprend le dessin qui à nouveau sera résilié par nettoyage et polissures, trois, quatre fois ou plus. Ce pourrait être un palimpseste sinon qu’un palimpseste consiste à réutiliser une surface pour fixer tout autre chose tandis que la feuille soumise à l’épongement, au recommencement, accueille chaque fois le même tracé. Alors, comme l’ombre infime de ses modules approchés du mur, comme la similitude mémorielle du dessin confronté à l’esquisse saisie durant la marche, à force de reprises, Francis Limérat obtient l’indice d’une rémanence, c’est-à-dire, par autant de redoublements, il saisit l’exactitude d’un effacement comme l’est l’échelle et son double sur la photographie de Nagazaki.

Les cartes, toutes les cartes sont le redoublement d’une exactitude, elles le ¬veulent et, partant, chacune témoigne d’une absence. En question, les dessins et les claires-voies de Limérat donnent à voir des topographies à compartiments de terrain comme sont les cartes de pli à pli – s’ils s’arrêtent ici, au carré, c’est que la géographie se fait parcellaire de la carte, elle s’y plie. En soi, chaque dessin occupe un milieu et suppose un raccord, une continuation de pliage. 1  /50 000e ou 1 / 125 000e, l’échelle n’importe pas (comme il n’y a pas d’échelle dans la photographie de ¬Nagazaki). Dans l’empan se croisent des lignes, des sentiers plus que des routes, plutôt des chemins, teintés à leur valeur bistre ou noir, lesquels se valent tous. Certains d’un trait, d’autres à doubles traits, sans délimitation cadastrale, des chemins cintrés ou droits. Forcément, au hasard de toute carte, en plus du vide, il se passe quelque chose à un endroit, un décentrement remarquable, un à-coup dans le cordeau, des détours revenus sur eux-mêmes, des segments associés ¬formant un nœud ou, parfois, une échelle. Mieux que nous, les sentiers savent le retour sur eux-mêmes – ce que les arbres voudraient nous dire.

Les chemins de Limérat sont libres de leur inversion, ils n’induisent pas d’aller là, ici, pour notre orientation ; dégagés de tout déterminisme, ils affichent un principe d’irrévérence topographique. Au plus près d’eux sont les belles pages de Jean-Loup Trassard, penseur de chemins (penseur de l’ombre des chemins) qui les dédouane de toute mesure ou d’une quelconque direction. Il le dit dans Ancolia : « Ce qui me touche dans les chemins, ce pourquoi je voudrais qu’on les considère : leur existence personnelle. Ils ne sont pas là que pour aller d’un point à un autre. J’ai une préférence pour ceux qui ne vont nulle part, c’est-à-dire qui se perdent, à contourner les champs, à se diviser en fourche, finissent sur un raccordement oublié. » (« Un miroir des ornières », 1993). C’est ainsi, des croisées, il ne se passe surtout rien dans les dessins de Francis Limérat. Ils disent « Vous êtes ici », ce qui ferait de nous des arpenteurs, et mieux, des apprentis sourciers, car ils chuchotent encore, « Vous êtes ici, donc maintenant ».

Michel Jullien

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  3. F.Limérat 2010 Encre et gouache-papier 36,5x36,5cm.

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